Réglementation des transports : comment Paris tente de donner de la voix à Bruxelles
Mai 2014 - N° 1146 - Actualités
A la veille des élections européennes du 25 mai, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) organisait le 8 avril un déplacement presse à Bruxelles pour faire la démonstration de son lobbying auprès de la Commission européenne. Le gros morceau de la prochaine mandature sera l'adoption en seconde lecture du quatrième paquet ferroviaire pour mettre fin aux bastions monopolistiques du rail. Bien représentée au sein de l'UTP, la SNCF compte pousser ses pions auprès des nouveaux eurodéputés, face aux allemands de la DB.
Parce que 80% de la réglementation des transports arrive tout droit de Bruxelles, les professionnels du secteur ont intérêt à avoir un abonnement Thalys. Sophie Boissard, numéro 2 de la SNCF qui préside par ailleurs la commission Législation et affaires européennes à l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), a le sien. Jean-Marc Janaillac, dirigeant de Transdev et président de la même UTP, sans doute aussi, son délégué général Claude Faucher également. C'est pour expliquer ses actions de lobbying auprès de la direction Mobilité et Transports à la Commission européenne et auprès des eurodéputés qui doivent être renouvelés aux prochaines élections du 25 mai 2014 que l'UTP organisait le 8 avril une conférence de presse à Bruxelles. La fédération professionnelle qui regroupe les opérateurs de transport urbain, ferroviaire, et les gestionnaires d'infrastructures considère avoir obtenu gain de cause sur deux gros sujets :
- le maintien des compensations financières accordées par les collectivités locales aux opérateurs de transport public,
- la préservation de la DSP à la française dans la nouvelle directive européenne sur les concessions.
«Nous avons abouti sur ces deux dossiers suite à un dialogue soutenu entre l'UTP, l'UITP et l'IGD (Union internationale des transports publics et Institut de la gestion déléguée, ndlr) avec la Commission européenne», indique Sophie Boissard.
Quatrième paquet ferroviaire : le gros morceau
Reste un gros morceau : le quatrième paquet de mesures ferroviaires qui doit être adopté en seconde lecture par les nouveaux parlementaires européens en 2015, ou 2016. Et sur ce sujet, le lobbying des parties prenantes est loin d'être terminé, d'autant que le Parlement de Strasbourg risque d'être chamboulé à l'issue du scrutin de fin mai, et la nouvelle Commission en place à l'automne 2014 à Bruxelles aussi. L'enjeu de ce quatrième paquet de mesures est de faire aboutir l'ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires intérieurs dans les 28 pays de l'Union : les services conventionnés type TER en France, et les lignes dites en open access. Et de s'assurer que les réseaux de chemin de fer soient interopérables, quelles que soient les entreprises et leur pays d'appartenance.
Aujourd'hui, les textes du volet concurrence (lire la tribune libre du député PS Gilles Savary sur ce sujet), gouvernance et technique (le plus avancé) sont devant le conseil européen, l'adoption définitive du quatrième paquet ferroviaire devrait intervenir en 2015 ou 2016.
A propos de la concurrence, l'UTP est obligée de se prêter à un fin exercice d'équilibre puisque siègent à son conseil d'administration aussi bien la SNCF que des opérateurs privés. Et Transdev, dont le patron n'est autre que le président de l'UTP, s'insurge régulièrement contre l'absence de conditions de marché concurrentielles sur les liaisons TER . «L'UTP soutient une égalité des armes entre les opérateurs», a affirmé Sophie Boissard lors de la conférence de presse bruxelloise. Difficile pour Jean-Marc Janaillac, présent à ses côtés, de ne pas glisser que «l'on ne peut pas être tous d'accord». Notamment sur la clause de réciprocité adoptée par les eurodéputés sortants, lors du vote en première lecture du quatrième paquet ferroviaire, fin février. Cette clause, que certains n'ont pas manqué de baptiser «anti-Keolis», interdit en effet à un transporteur ferroviaire européen en situation de monopole pour les lignes intérieures (TGV, Intercités, TER), de conquérir des marchés dans un autre pays de l'Union (l'Etat membre concerné peut invoquer l'absence de réciprocité, demander une enquête à Bruxelles, et saisir la cour de justice européenne). «Les modalités de cette clause sont discutables, elle permettrait à n'importe quelle autorité organisatrice d'exclure un candidat dans un appel d'offres si 50% au moins de ses franchises ferroviaires n'étaient pas ouvertes à la concurrence», critique Sophie Boissard, numéro 2 de la SNCF, maison-mère de Keolis. Prompte à publier ses positions sur le quatrième paquet, sur la gouvernance ferroviaire, ou sur le projet loi de réforme du rail qui sera devant le Parlement français en juin 2014, l'UTP n'a pris aucune position sur la clause de réciprocité. Cette fois, l'exercice serait trop périlleux.